うろたどな

"These fragments I have shored against my ruins."

バーチャルとアクチュアル(ドゥルーズ、バディウ)

le virtuel and/as l'actuel

C'est que le « virtuel » se distingue du « possible », au moins de deux points de vue. D'une certain point de vue en effet, le possible est le contraire du réel, il s'oppose au réel ; mais, ce qui est tout différent, le virtuel s'oppose à l'actuel. Nous devons prendre au sérieux cette terminologie : le possible n'a pas de réalité (bien qu'il puisse avoir une actualité) ; inversement le virtuel n'est pas actuel, mais possède en tant que tel une réalité. Là encore, la meilleure formule pour définir les états de virtualité serait celle de Proust : « réels sans être actuels, idéaux sans être abstraits ». D'autre part, d'un autre point de vue, le possible est ce qui se « réalise » (ou ne se réalise pas) ; or le processus de la réalisation est soumis à deux règles essentielles, celle de la ressemblance et celle de la limitation. Car le réel est censé être à l'image du possible qu'il réalise (il a seulement l'existence ou la réalité en plus, ce qu'on traduit en disant que, du point de vue du concept, il n'y a pas de différence entre le possible et le réel). Et comme tous les possibles ne se réalisent pas, la réalisation implique une limitation par laquelle certains possibles sont censés être repoussés ou empêchés, tandis que d'autre « passent » dans le réel. Le virtuel au contraire n'a pas à se réaliser mais à s'actualiser ; et l'actualisation a pour règles, non plus la ressemblance et la limitation, mais la différence ou la divergence, et la création. Lorsque certain biologistes invoquent une notion de virtualité ou de potentialité organique, et maintiennent pourtant que cette potentialité s'actualise par simple limitation de sa capacité globale, il est clair qu'ils tombent dans une confusion du virtuel et du possible. Car pour s'actualiser, le virtuel ne peut pas procéder par élimination ou limitation, mais doit créer ses propres lignes d'actualisation dans des actes positifs. La raison en est simple : tandis que le réel est à l'image et à la ressemblance du possible qu'il réalise, l'actuel au contraire ne ressemble pas à la virtualité qu'il incarne. Ce qui est premier dans le processus d'actualisation, c'est la différence -- la différence entre le virtuel dont on part et les actuels auxquels on arrive, et aussi la différence entre les lignes complémentaires suivant lesquelles l'actualisation se fait. Bref le propre de la virtualité, c'est d'exister de telle façon qu'elle s'actualise en se différenciant, et qu'elle est forcée de se différencier, de créer ses lignes de différenciation pour s'actualiser. (Deleuze. Le Bergsonisme. 99-100)

Le virtuel a pour processus de s'actualiser, il est ce processus. Et, bien entendu, la pensée a besoin de la distinction formelle, de l'opposition nominale entre virtuel et actuel, pour étayer le double mouvement de l'intuition (penser l'actuel comme actualisation du virtuel, penser le virtuel comme processus de production de l'actuel). On pourra donc dire que le virtuel s'oppose (formellement) à l'actuel, mais en se souvenant que l'un et l'autre sons réels. Le premier comme instance dynamique de l'Un, le second comme simulacre. En définitive, ce qui compte est le processus divergent de l'actualisation, par quoi le réel se déploie en lui-même comme enchevêtrement de virtualités engagées, à des degrés de puissance divers, dans les étants qu'elles actualisent. (Badiou. Deleuze. 74)